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La prise d’acte de la rupture du contrat de travail bientôt dans le Code du travail ?

Le 11 mai dernier, 22 députés ont déposé une proposition de loi tendant à légaliser le dispositif jusqu’ici jurisprudentiel : la prise d’acte de la rupture.

  • La prise d’acte : un mode de rupture créé par les juges

Depuis 2003, la prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail élaboré par les juges.

En effet, les juges ont admis que le salarié qui constate les manquements graves de son employeur pouvait prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Il lui revient ensuite de saisir le juge pour qu’il qualifie cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le juge estime que les manquements de l’employeur sont suffisamment graves ou à l’inverse en une démission.

Les juges ont considéré que constituait un manquement grave de l’employeur : le harcèlement, la violence de l’employeur, non paiement du salaire.

 Ne constituent pas des manquements graves de l’employeur : le retard de paiement du salaire, d’un ou deux jours dans le paiement du salaire, si l’employeur a simplement proposé au salarié de modifier son contrat, si l’employeur a tardé à organiser la visite de reprise du salarié au retour de celui-ci de son arrêt de travail pour maladie.

La requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit au salarié à :

    • une indemnité de licenciement,
    • une indemnité compensatrice de préavis
    • et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité dont le montant varie en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

Le salarié qui a plus de deux ans d’ancienneté et qui travaille dans une entreprise de plus de 11 salariés bénéficie d’une indemnité égale à 6 mois de salaire. En dehors de cette hypothèse, le salarié bénéficie d’une indemnité fonction du préjudice subi.

Les points de la proposition de loi

Si la proposition de loi était adoptée, 6 nouveaux articles seraient insérés dans le Code du travail Les articles fixent successivement les modalités de la prise d’acte et les conséquences de la prise d’acte pour le salarié.

Les modalités de la prise d’acte :

Le salarié pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements graves de son employeur. La prise d’acte, aurait un effet immédiat et aucune rétractation ne serait possible.

Le salarié devra exposer dans la lettre de rupture les motifs et faits suffisamment graves justifiant la prise d’acte. En tous états de cause,  la prise d’acte ne pourra être verbale.

Dès la prise d’acte, l’employeur devra remettre immédiatement  au salarié ses documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte….).

Sur l’attestation Pôle emploi devra être mentionné le motif de la rupture : Prise d’acte.

La requalification :

La proposition de loi précise que le doute ne profiterait pas au salarié et il lui reviendrait de prouver les faits qu’il allègue.

Si le juge requalifie la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié pourra prétendre à une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de congés payés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si le juge requalifie la prise d’acte en une démission, l’employeur pourra prétendre à une indemnité compensatrice pour non exécution du préavis par le salarié.

Ce qui change :

Au-delà de la légalisation d’une pratique jurisprudentielle, la proposition modifie certains points.   Il s’agit, d’une part, de l’obligation faite au salarié de mentionner dans une lettre les motifs de prise d’acte.

D’autre part, la requalification de la prise d’acte en une démission obligerait le salarié à indemniser l’employeur pour le préavis non exécuté.

Dernier point nouveau de la proposition de loi, et non des moindres, l’employeur aurait la possibilité de prendre acte de la rupture pour des manquements personnels du salarié.

La proposition de loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « manquement personnel ».

Aujourd’hui, l’employeur ne peut pas prendre acte de la rupture. La seule voie qui lui est ouverte s’il veut se séparer du salarié est le licenciement qui doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Proposition de loi N°3418 du 11 mai 2011.

Par Juritravail |